Définir le génocide

NB : Je republie ici ce texte que j’ai retrouvé dans mes archives.

Le gouvernement du Soudan et les milices arabes pro-gouvernementales ont été accusés par des groupes de droits de l’homme d’avoir orchestré un génocide les africains noirs de la région de Darfour.

Les groupes de milice, connus sous le nom de Janjaweed, sont accusés de forcer à l’exil environ deux millions de personnes et d’en tuer des milliers.

Les Etats-Unis ont également employé le terme de génocide, mais une enquête des Nations Unies a vite fait de stopper la description de la violence au Darfour comme génocide.

Elle a conclu que le gouvernement soudanais et les milices alliées avaient commis des crimes de guerre contre la population civile.

S’ils avaient employé le terme génocide alors il y aurait eu une obligation légale d’agir.

Mais qu’est génocide et quand peut il être appliqué ? Certains argumentent que la définition est trop étroite et d’autres que le terme est diminué à cause des abus.

Définition de l’ONU

Le mot a été inventée en 1943 par Juif Polonais, l’avocat Raphael Lemkin, qui a combiné le mot grec « genos » (race ou tribu) avec le mot latin « cide » (tuer).

Après avoir été témoin des horreurs de l’Holocauste – dans lequel chaque membre de sa famille excepté son frère et lui-même a été tué – le Dr. Lemkin a fait campagne pour que le génocide reconnu comme crime en vertu du droit international.

Ses efforts ont mené à l’adoption de la convention de l’ONU sur le Génocide en décembre 1948, qui est entré en vigueur en janvier 1951.

L’Article Deux de la convention définit le génocide comme « des actes suivants commis avec l’intention de détruire, entièrement ou partiellement, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, tel que:

  • tuer des membres du groupe
  • causer de sérieux dégâts corporels ou mentaux aux membres du groupe
  • infliger délibérément au groupe des conditions de vie telles que pour provoquer sa destruction physique entière ou partielle
  • imposer des mesures pour empêcher des naissances dans le groupe
  • transférer de force des enfants du groupe vers un autre groupe

La convention impose également un devoir général aux états signataires d' »empêcher et de punir » le génocide.

Depuis son adoption, le traité de l’ONU a subi des attaques enflammées de différentes parts, la plupart du temps par des personnes frustrées par la difficulté de l’appliquer aux différents cas.

« Trop étroit »

Certains experts argumentent que la définition est si étroite qu’aucun des massacres de masse perpétré depuis l’adoption du traité ne tomberait sous son coup.

Les objections le plus fréquemment ont augmenté contre le traité incluent :

  • la convention exclut des groupes politiques et sociaux précis
  • la définition est limitée aux actes diriger directement contre des personnes, et exclut les actes contre l’environnement qui les soutient eux ou leurs particularités culturelles
  • prouver l’intention au delà du doute raisonnable est extrêmement difficile
  • les Etats membres de l’ONU sont hésitants à isoler d’autres membres ou d’intervenir, comme ce fût le cas au Rwanda
  • il n’y a aucun organe de droit international pour clarifier les paramètres de la convention (bien que ceci soit en train de changer du fait que les tribunaux de crimes de guerre de l’ONU publient des actes d’accusation)
  • la difficulté de définir ou de mesurer « partiellement », et d’établir combien de morts équivalent à un génocide

Mais malgré ces critiques, beaucoup disent que le génocide est identifiable.

Dans son livre « Rwanda et Génocide au 20ème siècle », l’ancien secrétaire-général de Médecins Sans Frontières, Alain Destexhe dit:  » Le génocide est différent de tous autres crimes par la motivation qui le caractèrise. »

« Le génocide est un crime sur une échelle différente de tous les autres crimes contre l’humanité et implique une intention d’exterminer complètement le groupe choisi. « 

« Le génocide est donc le plus grave et le plus grand des crimes contre l’humanité. »

Perte de signification

M. Destexhe croit que le mot génocide est victime d' »une sorte d’inflation verbale, plus ou moins de la même façon qu’avec le mot fasciste ».

A cause de cela, il dit que le terme a progressivement perdu sa signification initiale et devient « dangereusement banal ».

Michael Ignatieff, directeur du Carr Centre for Human Rights Policy à l’université de Harvard, approuve.

« Ceux qui devraient employer le mot génocide ne le laissent jamais glisser leurs bouches. Ceux qui malheureusement l’emploient, le banalisent dans une validation de toute sorte de victimisation, » a-t-il déclaré dans une conférence au sujet de Raphael Lemkin.

« L’esclavage par exemple, est appelé génocide dans le sens où – quoi que ça ait été, et c’était une infamie – c’était un système pour exploiter, plutôt que pour ôter la vie. »

Dans la République Démocratique du Congo, un commandant renégat a dit qu’il a « capturé » la ville de Bukavu l’année dernière pour empêcher un génocide des Tutsis congolais – les Banyamulenge.

Il est apparu par la suite que moins de 100 personnes étaient mortes.

Les différences sur comment le génocide devrait être défini, mènent également à un désaccord sur combien de génocides se sont effectivement produits au cours du 20ème siècle.

Histoire du génocide

Certains indiquent qu’il n’y a eu qu’un seul génocide au siècle dernier – l’Holocauste.

D’autres experts donnent une longue liste de ce qu’ils considèrent comme des cas de génocide, y compris la famine de l’Ukraine provoqué par les Soviétiques (1932-33), l’invasion indonésienne de Timor est (1975), et les massacres des Khmer Rouges au Cambodge dans les années 70.

L’ancien chef yougoslave, Slobodan Milosevic, est en procès à la Haye, accusé du génocide en Bosnie de 1992-95.

Cependant, certains disent qu’il y a eu au moins trois génocides sous la convention de l’ONU de 1948 :

  • le massacre de masse des Arméniens par les turcs Ottoman entre 1915-1920 – une accusation que les Turcs nient encore aujourd’hui
  • l’Holocauste, durant lequel plus de six millions de juifs ont été tués
  • le Rwanda, où environ 800.000 Tutsis et des Hutus modérés sont morts durant le génocide de 1994
  • dans le cas de la Bosnie, beaucoup pensent que les massacres se sont produits comme faisant partie d’un comportement génocidaire, bien que certains doutent que cette intention puisse être prouvée dans le cas de M. Milosevic

Le premier cas à mettre en pratique la convention sur le génocide fut celui de Jean Paul Akayesu, maire Hutu de la ville rwandaise de Taba à l’époque des massacres.

Dans un verdict décisif, un tribunal international spécial l’a condamné de génocide et de crimes contre l’humanité le 2 septembre 1998.

Plus de 20 meneurs du génocide rwandais ont à ce jour été condamnés par le Tribunal Criminel International du Rwanda.

L’année dernière, le tribunal de crimes de guerre de l’ex-Yougoslavie a élargi la définition de ce qui constitue un génocide.

Le Général Radislav Krstic avait fait appel de sa condamnation pour son rôle dans le massacre de plus de 7.000 hommes et garçons musulmans dans Srebrenica en 1995.

Mais la cour a rejeté son argument disant que le nombre de victimes était « trop insignifiant » pour être génocide – une décision sera probablement un précédent légal international.

Le panel de l’ONU enquêtant Darfour a conclu que bien qu’il y ait eu le ciblage délibéré de civils au Darfour par le biais de meurtres, de torture et de violence sexuelle, le gouvernement du Soudan n’avait pas poursuivi une politique intentionnelle de génocide.

Le panel n’a pas déterminé cependant, que si la cour criminelle internationale enquête sur des crimes de guerre, comme il le recommande, alors elle pourrait trouver des actes génocidaires ayant été commis au Darfour ainsi que certaines personnes coupables d’avoir eu une « intention génocidaire ».

Article traduit et adapté de la BBC

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Source image : La Croix

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